La Suisse a intérêt à agir contre la spéculation «excessive» sur les denrées alimentaires avant d’être à nouveau mise sous pression de l’étranger, estiment les ONG favorables à l’initiative sur les denrées alimentaires.
L’Union européenne et les Etats-Unis s’activent déjà en ce sens. «La faim dans le monde n’est pas une question de production mais de politique», a affirmé d’emblée Mark Herkenrath, de la coalition d’ONG Alliance Sud. Il s’exprimait jeudi lors d’une conférence de presse à Berne avec SWISSAID et Pain pour le prochain, en vue de la votation du 28 février.
Malgré une production suffisante de denrées alimentaires, 800 millions de personnes souffrent toujours de la faim sur la planète. Une situation que l’ONU entend résoudre d’ici à 2030. Dans ses objectifs de développement à cet horizon, elle exige des mesures pour endiguer la volatilité des prix des aliments.
Fluctuations à endiguer
Or, si elle n’est de loin pas seule responsable de la faim dans le monde, la spéculation sur les denrées alimentaires joue un grand rôle dans la fluctuation massive des prix à court et moyen terme sur les marchés mondiaux. C’est la conclusion notamment d’une étude produite pour Alliance Sud par le journaliste économique Markus Mugglin.
«Sur une population qui consacre une partie très importante de ses revenus pour manger, la moindre fluctuation de prix en fait basculer beaucoup dans la misère», explique Catherine Morand, de SWISSAID.
L’Union européenne et les Etats-Unis ont reconnu que la spéculation intensifiait cette instabilité, et donc créait des problèmes énormes pour les pays en développement. Pour atténuer le risque de nouvelles crises alimentaires dans les pays pauvres, ils ont décidé de freiner la spéculation financière excessive sur ces denrées à titre de précaution.
Concrètement, ils introduisent des limites de position. Cela restreint le nombre de contrats spéculatifs qu’un seul acteur (courtier) peut échanger sur chaque marché.
Pas de limitation en Suisse
En Suisse, la loi permet au Conseil fédéral de limiter la taille d’une position nette qu’une personne peut détenir sur les matières premières. Son utilisation n’est toutefois pas encore à l’ordre du jour. «Le conseiller fédéral Johann Schneider-Ammann s’est encore prononcé récemment contre», a relevé Mark Herkenrath.
Pour les trois intervenants, «la Suisse devrait prendre les devants avant de se faire à nouveau taper sur les doigts», comme dans le cas du secret bancaire.